La fin de la saison cyclonique a été fatale pour le Grand Sud. Le Nord n’a pas été non plus épargné par un front froid meurtrier et dévastateur. Un récit de voyage aussi mouillé que les plantations et les habitations.
La ville de Petit-Goâve, vue d’en haut, n’a pas perdu de sa verdure et de la beauté de sa côte. Dès qu’on laisse cette ville dédiée à Faustin 1er, l’ampleur des dégâts causés par la tempête tropicale Sandy saute aux yeux. Des deux côtés de la route, les vestiges de plantations défigurent le paysage, lui donnant des allures apocalyptiques. L’eau est partout. Sur le bitume, dans les crevasses qu’elle a fouillées, dans les jardins et les cours. Une eau brune qui semble avoir charrié avec elle toute l’essence et la fertilité de la terre.
Dans les rares zones encore habitées, de courageux hommes et femmes essaient de soustraire leurs maigres possessions à l’emprise de la boue et de l’eau saumâtre. L’image des enfants, insouciants, qui s’amusent dans les mares rend la scène moins sinistre. Un désolant tableau, on dirait peint par artiste fou.
Des gens regardent autour d’eux sans aucune volonté de voir ou d’admettre avoir tout perdu. La tempête tropicale Sandy n’a pas épargné le Grand Sud. Dans certaines régions, les dégâts sont tels qu’on les compare au dévastateur séisme qui a causé de grandes destructions dans le département de l’Ouest, en 35 secondes d’un après-midi meurtrier de janvier 2010.
Dans les départements du Sud, de la Grande Anse, du Sud-est et des Nippes, des centaines de personnes ont dû quitter leur maison pour échapper aux rivières et lacs en crue et des vagues de la mer en colère. Beaucoup d’entre elles ne retrouveront rien de ce qui constituait leur chez-soi.
Cadavres postés
Sandy a aussi apporté le deuil dans les familles haïtiennes. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, une inondation a fait elle aussi de nombreuses victimes et pris la vie de beaucoup de nos frères et sœurs dans le Nord du pays traversé par un front froid. Des gens peu charitables n’ont pas hésité à exposer, sur les réseaux sociaux, les cadavres dénudés et couverts de boue de femmes, d’hommes et d’enfants rejetés par les eaux ou sortis des décombres d’une habitation de fortune effondrée. Depuis que le pays est régulièrement frappée par les colères et caprices de la nature, nous faisons le constat d’une absence totale de respect et de dignité dans notre façon de traiter nos décédés.
Dans des quartiers du Cap-Haïtien, des cadavres ont été utilisés comme barricades pour bloquer l’accès aux routes et exiger ainsi leur évacuation par les autorités. Quand a-t-on commencé à s’habituer à l’horreur ? Jusqu’où nous mènera cette insensibilité devant la mort d’autrui?
Les élans de solidarité envers les victimes sont pourtant toujours aussi grands. De partout, les appels à l’aide et à l’entraide ont porté des fruits. Ainsi, on a pu fournir des matériels de première nécessité à beaucoup de ces Haïtiens et Haïtiennes qui ont passé des jours et des nuits à attendre que le niveau de l’eau baissé et leur permette ainsi de rentrer. chez eux.
…il ne restait que la prière
Quand on a tout perdu – êtres chers, meubles et immeubles – il ne reste que la prière. En plein cœur de la tempête Sandy, beaucoup de fidèles catholiques de la ville des Cayes, la plupart pieds nus et protégés des éléments seulement par un bout de tissu sont venus chercher le réconfort de la prière pendant le service dominical qui s’est déroulé dans une Cathédrale dont la toiture a été en partie détruite. Les pieds dans l’eau, ils assisté et participé avec ferveur à la messe.
Près d’un mois plus tard, beaucoup de familles n’ont toujours pas plus qu’une bâche comme toit et certaines sont encore dans des camps de fortune attendant une aide qui tarde à se matérialiser. La saison cyclonique est terminée et la période pluvieuse s’amène. La République n’étant pas imperméable, l’eau risque de mouiller plus que nos pieds si les mesures qui s’imposent ne sont pas prises.