La lutte contre l’insécurité alimentaire est l’un des axes prioritaires du travail de Caritas Haïti. A Robillard, Diocèse du Cap-Haïtien, l’institution aide les cultivateurs et micro-entrepreneurs à se relever des conséquences des cyclones de l’année 2012 et à se mettre à l’abri de certains besoins.
Les cicatrices laissées par l’ouragan Sandy suppurent encore à Robillard, troisième section communale de Plaine-du-Nord. A la petite église paroissiale de la localité, plusieurs dizaines de planteurs encadrés par Caritas Haïti racontent leur mésaventure. « Nous constatons malgré nous une rareté dans les livraisons de bananes. Cette rareté est causée par une hausse du prix, se lamente Robert Valdort, membre de la Caritas paroissiale de Robillard. C’est la conséquence des vents violents qui ont balayé nos plantations lors du passage de l’ouragan Sandy.»
Les conséquences de l’ouragan dévastateur sont aujourd’hui plus visibles encore. Tous les planteurs s’accordent à dire qu’il s’agit de la pire épreuve de la population de Robillard. « En pareille période, les marchandes des villes avoisinantes viennent ici pour acheter les bananes récoltées, ajoute le leader communautaire, expliquant que l’ouragan a détruit 70% des récoltes. Cette année, nous n’avons même pas assez de bananes pour nourrir nos familles! » Ce qui n’est évidemment pas sans conséquence sur la situation alimentaire et économique des 16 000 habitants de la communauté.
« Illustration concrète de la misère qui s’installe peu à peu : seulement quelques-uns des 479 élèves qui fréquentent l’école presbytérale ont pu jusqu’ici acquitter les 1 550 gourdes exigées pour l’année scolaire», constate le révérend père André Sylvestre, curé de la paroisse de Robillard.
APRÈS LA TEMPÊTE… LA SÉCHERESSE
Près de six mois après l’ouragan, l’avenir paraît toujours incertain pour les habitants de la bourgade, dont un grand nombre travaille illégalement en République Dominicaine. Sur 85 enfants baptisés récemment à l’église Notre-Dame de la Merci, seulement 15 pères étaient présents à la cérémonie religieuse, ajoute le curé. Les autres se démènent de l’autre côté de la frontière.
Et, pire encore, les drageons de banane qui ont poussé naturellement dans les plantations deviennent rachitiques à cause de la sécheresse. Nous aurions pu espérer récolter des bananes seulement si on avait pu arroser les drageons, se désole Lucierni Valdera, un planteur entre deux âges. Depuis 1986, l’année marquant la fin de la dictature des Duvalier, on assiste à la coupe effrénée des arbres, ce qui a des conséquences néfastes sur l’environnement et l’agriculture.
L’ESPOIR RENAÎT…
Entre deux complaintes, on sent quand même filtrer l’espoir ; Caritas Haïti a fourni un appui salvateur à six groupes organisés de Robillard. « Un programme de formation et d’encadrement a été lancé par le bureau diocésain du Cap-Haïtien à l’attention des agriculteurs et des éleveurs. Des semences et des outils agricoles ont été offerts aux bénéficiaires », a indiqué Raublin Prophète, technicien agricole de l’institution dans le Diocèse du Cap-Haïtien. Ce dernier s’est démené pour apporter des bananiers dans la région suite à la dévastatrice tempête Sandy. « D’ici l’été prochain, nous espérons récolter des bananes destinées à la vente », lance, l’air confiant, l’un des 500 bénéficiaires directs du programme dans la seule section communale de Robillard.
Le technicien encourage aussi les cultivateurs de Robillard à pérenniser la culture de noix de cajun, de mangues et de cacaos. Renaud Fénélus, 72 ans, est l’un de ceux qui croient dans la politique de pérennisation. « Une livre de cacao se vend actuellement à environ 50 gourdes sur le marché local », a-t-il calculé, les yeux fixés sur son champ contenant une soixantaine de cacaotiers. Dans quatre à 5 ans, je commencerai à obtenir les fruits de mon investissement, espère le septuagénaire.
La lutte contre l’insécurité alimentaire menée par Caritas Haïti ne se fait pas seulement à travers l’agriculture. Des crédits sont aussi offerts aux cultivateurs et micro-entrepreneurs. «Un programme d’élevage à la corde a aussi été développé dans la zone», a souligné Joseph Nélus, membre de l’Union Longuest, un des six groupements soutenus par le bureau diocésain du Cap-Haïtien à travers la paroisse de Robillard. L’organisation gère actuellement une douzaine de chèvres qui seront distribuées progressivement à ses membres. Ce model d’entraide sociale est répété dans d’autres régions du pays.
Une enquête menée par la Coordination nationale de la sécurité alimentaire (CNSA) sur l’impact de la sécheresse et des tempêtes Isaac et Sandy, a montré que la situation d’insécurité alimentaire s’est dégradée de façon très préoccupante avec des taux atteignant en moyenne 39% chez la population rurale vivant dans les zones touchées par la sécheresse et Isaac et 17% dans les zones touchées par Sandy uniquement. En 2011, le niveau d’insécurité alimentaire élevée à l’échelle nationale était de 8%.