Mgr Pierre-André Dumas - Président de Caritas Haïti
Chers Pères, Chers amis de la grande Famille Caritas, Distingués invités, Chers participants à l’Assemblée de Caritas,
Dans quelques jours, nous entrons dans l’année de la foi proclamée par l’Eglise Universelle. En tant qu’Eglise locale, nous sommes invités individuellement et communautairement à redécouvrir notre foi en Jésus Christ mort et ressuscité qui est le même hier, aujourd’hui et toujours. C’est donc une année de grâce et un kairos pour tous les groupements ecclésiaux, les communautés locales, les mouvements d’action catholique, les commissions, les structures de communion et les différentes entités ecclésiales. C’est aussi une invitation à se renouveler dans la foi et la charité qui les animent et à se fortifier dans leur identité en approfondissant le sens de leur vocation et de leur mission.
De cette manière, l’Assemblée Générale de notre belle et vénérable Institution qui se célèbre à Léon, Jérémie du 8 au 12 Octobre, tombe à point pour nous aider à nous mettre au diapason et à emprunter la voie de la rénovation, de la restructuration et de la refondation dans la confiance et la foi agissant par la charité (Gal. 5,6) afin qu’en élaborant de nouvelles perspectives d’avenir et de nouvelles méthodes d’approche nous puissions, à partir de notre nouveau plan stratégique et un nouvel élan retrouvés, mieux articuler et coordonner nos actions en faveur des plus pauvres et les plus vulnérables dans le pays.
Il est certain que le nouveau plan stratégique quinquennal opérationnel, au niveau global et local, est déjà en soi un acte de foi en Dieu et un engagement renouvelé de notre confiance dans l’avenir de l’Institution et de notre chère Haïti. Je crois aussi qu’il reste et demeure également un phare lumineux qui balisera notre route tout au long des cinq prochaines années en nous indiquant les repères et les lieux définis pour une plus grande synergie commune d’action afin d’être plus efficace, plus dynamique, plus professionnel, plus crédible et plus visible.
Cependant, il ne faut pas oublier que nous vivons dans un changement d’époques avec beaucoup de crises chroniques aigües qui exigent une consolidation de notre identité et de nos convictions profondes. Notre monde est traversé par une crise profonde du croire. Il n’est pas seulement dur pour certains de croire en Dieu vu le nihilisme ambiant mais aussi de croire en un plan d’amour et d’excellence de la Providence pour eux, de croire en un futur pour leur famille, de croire en un avenir professionnel pour les jeunes, de croire qu’on peut changer quelque chose dans cette société corrompue, de croire que les relations humaines peuvent être solides, désintéressées et dures, de croire que les engagements peuvent être tenus, de croire qu’une cause sérieuse vaut la peine d’être défendue, de croire que les dirigeants agissent pour le bien commun, de croire que les partis politiques visent vraiment les intérêts de la collectivité, de croire que les agences humanitaires ne sont pas pourries par l’argent ou par les combines, de croire que la société civile n’est pas intéressée.
Oui il y a vraiment une crise des fondements et des référents. Une crise de transcendance. Une crise de confiance. Une crise de projets. Une crise de repères et une crise du sujet. Une crise de foi en Dieu, dans l’homme, dans l’avenir de notre monde, de notre pays, de notre société, de nos communautés locales, de nos diocèses, de nos départements et de l’arrière-pays. Tout cela alimente dans une société déjà liquide et en pleine déroute de l’intelligence et de déliquescence morale, le doute, les incertitudes, le pessimisme et le déterminisme.
En cette crise de foi et de charité de notre société éclatée, les fondements sont comme sapés et fissurés. Il n’y a plus de confiance. On est fatigués, abattus et désespères. On entre dans la peur et l’immobilisme. On devient de plus en plus seuls. On se demande à qui se raccrocher? à qui faire confiance?
Le thème de l’Assemblée qui nous invite à repartir de la Foi et de la Charité avec Caritas pour une autre Haïti possible, est un comme un cri de foi et d’espérance devant les blocages, les angoisses, les difficultés de tous genres qui risquent de nous plonger dans le scepticisme et le désenchantement. Il exprime également la confiance solide de notre foi agissant dans la charité comme l’unique force capable de vaincre la dictature du matérialisme, de l’individualisme et du consumérisme de notre monde (1Jean). Ce thème s’enracine dans une histoire de foi et d’amour de l’Eglise catholique en Haïti avec le peuple haïtien. Alors, en dépit de cette situation extrême complexe et compliquée, nous sommes convaincus sans idéalisme que notre Institution, née de la foi de l’Eglise et de sa grande charité envers les blessés de la vie et les crucifiés de l’histoire se doit de tenir le cap et d’indiquer le chemin dans ce climat de confusion et de pertes des repères. Nous croyons aussi que si ce n’est que dans la foi et la charité que nous puissions comprendre et retrouver notre rôle et notre responsabilité comme acteur organisme social et humanitaire de l’Eglise qui guide et oriente par la foi.
C’est grâce à cette foi, qu’agissant dans L’amour-Charité que nous pouvons poser toujours un acte de foi dans l’humanité de nos frères et sœurs et que nous pouvons continuer à travailler à la restauration de leur dignité et nous reconnaissons que sans cette foi dans l’autre et dans les autres, il n’y a pas de vraie charité. À l’inverse, notre foi en Dieu, en l’homme et en son devenir historique et métahistorique, nous fait aussi miser sur l’amour-Charité comme force propulsive de l’histoire. Elle nous expose dans la belle aventure de l’amour désintéressé, patient, gratuit, affable, magnanime, bienveillant, serviable et prêt à tout donner sans rien attendre en retour. Nous sommes conscients que même si nous avons la plénitude de foi jusqu’à transporter les montagnes, sans cet amour-charité nous ne sommes rien. (1Co13, 1-13). Nous comprenons alors pourquoi le Cardinal Peter Turkson et le Cardinal Sarah appelaient tous les deux la Caritas à manifester davantage sa foi ou à laisser ses actions traverser par un regard de foi. Car cette nouvelle dynamique de la foi agissant par la charité pourrait donner une nouvelle impulsion et une nouvelle orientation aux activités de Caritas et conduire l’Institution vers de nouveaux horizons.
À l’humanité accablée sous le poids de tant de difficultés, à notre pays paralysé par tant de crises structurelles et conjoncturelles, il me vient l’envie de reprendre les paroles de Pierre que le bon Pape Jean XXIII lors de l’ouverture du Concile Vatican II, le 11 Octobre 1962, avait prononcé: » Nous n’avons ni or ni argent mais au nom de notre foi en Jésus-Christ, nous te disons: Lève-toi et marche! »(Ac 3,6).
Nous n’avons pas d’argent et pas de ressources matérielles mais ce que nous avons nous devons le donner. Il y a un nom puissant. Un nom qui donne la force de marcher. Un nom qui vainc les forces de paralysie. Un nom qui fait exister Caritas. Il faut revenir à cette source, à cette vision plus centrée sur expérience de foi et de charité. Une vision en elle-même moins bureaucratique et juridique, moins centrée sur l’administration mais plus imprégnée de mystère de la présence de Dieu dans l’histoire, amoureux de la grande famille humaine et qui est sensible à la défense de sa dignité et de son avenir.
Nous devons retrouver cette énergie vitale de la résurrection du Christ qui régénère et ravive notre humanité en annonçant une nouvelle ère pour l’Homme Haïtien aujourd’hui. Il faut retrouver cette véritable force qui fait marcher l’être humain dans la bonne direction. Il faut donner cette puissance à notre pays par notre agir et notre être profond afin qu’il se remette debout et marcher de ses propres pas. En ce sens notre travail au nom de l’Eglise et pour l’Eglise est irremplaçable. Pour cela, comme les premiers apôtres, nous devons fixer les yeux sur l’homme impotent, malade et immobile qu’est notre pays avec ses habitants pour lui communiquer cette force de sympathie, d’humanité et de résurrection capable de le soutenir dans ses premiers pas. Il faut entrer donc avec de nouveau paradigmes dans cette foi- charité requinquée et renouvelée.
Enfin, Caritas Haïti au nom du Christ et de l’Eglise a quelque chose à offrir à notre Haïti. C’est sa vision de foi sur l’homme, c’est le rêve de Dieu sur l’histoire et c’est le plan de Dieu sur le devenir de notre pays. C’est pourquoi nous devons tout recommencer à partir de notre regard de foi agissant par la charité. Car c’est la foi qui nous ouvre les yeux du Cœur pour voir le frère impotent qui nous attend comme Eglise. C’est grâce à la foi que nous savons que le Christ est en lui. La force qui vainc le monde c’est vraiment notre foi agissant par la charité (1 Jean; Gal 5,6).
Que l’Assemblée Générale nous permette de renouveler notre foi en Dieu et en l’humanité que Dieu aime d’un amour infini et pour laquelle il prépare non pas des projets de malheurs mais des rêves de paix, d’espérance pour un nouvel avenir! Bonne participation à tous!
+ Mgr Pierre-André Dumas
Président de Caritas Haïti