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12 janvier 2010, Je me souviens !

Publié le 05 juin 2013 par webmaster

Chaque personne, qu’elle ait été ou non présente à Port-au-Prince le 12 janvier 2010, a une histoire à raconter autour de cet événement qui a changé nos vies et nos habitudes. Chacun/e a vécu son propre « 12 janvier »., Moi je garde un souvenir très flou des secousses telluriques et du chaos qui s’en est suivi.

Pourtant, je me souviens très bien du silence qui a suivi les gémissements de la terre. Je me souviens des cris qui montaient vers le ciel comme d’une seule voix. Je me souviens de ces centaines de milliers de personnes hurlant d’horreur. Par-dessus tout, je me souviens de la générosité.

Le 12 janvier 2010, en arrivant chez moi éreintée et en regardant la maison affaissée, je suis tombée à genoux. Mes jambes trop faibles pour me porter. Je me souviens alors de deux bras m’enveloppant, de mains tapotant mon dos et d’une voix d’homme en sanglots me souhaitant du courage, comme pour s’en donner aussi à lui-même.

Je me souviens de ce marchand ambulant d’eau qui offrait gratuitement son article aux grands et petits parce qu’il sait combien la poussière et la douleur assèchent la gorge. Je me souviens de notre voisine, Darline Jean-Baptiste, qui s’usait les yeux tous les jours dans la fumée du bois qu’elle utilisait pour préparer à manger aux gens du quartier. Je me souviens de ces deux jeunes hommes qui enterraient le cadavre d’un inconnu par peur que sa décomposition rende malades des enfants de la rue de la Réunion.

Je me souviens de cette passante qui a pris dans ses bras une mère effondrée devant le cadavre de son enfant, alors qu’elle était elle-même couverte de sang. Je me souviens de ce pâtissier qui a cuit des boulettes de farine qu’il distribuait aux enfants. Je me souviens de cette autre voisine qui a mis toute sa literie et ses meubles à la disposition des gens du quartier.

Je me souviens de cette dame qui est morte en faisant de son corps un bouclier pour sauver d’une mort horrible le bébé dont elle avait la garde. Je me souviens de Fontilaire qui a risqué le danger pour sortir ses collègues des ruines du Ministère à la Condition Féminine. Je me souviens d’une population qui criait, pleurait et priait d’une seule voix.

Dans cette deuxième sortie du Magazine Caritas Haïti consacrée aux actions de réponse au séisme d’il y a trois ans, je veux avoir une pensée spéciale pour ces « Héros du tremblement de terre ». Je veux me souvenir de chacun et de chacune de vous qui, dans ces moments de deuil et de désespoir avez posé le petit geste qui a sauvé quelqu’un d’une mort certaine ou du désespoir.

Lorsque nous prions pour les âmes de nos chers-es disparus-es, disons aussi une prière pour ces hommes et ces femmes qui ont dépassé leurs souffrances pour embrasser celles des autres. Ils-elles n’ont pas été décoré et la plupart de ces samaritains-es n’ont même pas attendu nos remerciements. Certains d’entre nous les ont même oubliés.

Trop souvent nous laissons les souvenirs de l’horreur l’emporter sur le reste. Trop souvent nous nous concentrons sur les ténèbres de notre désespoir et ne voyons pas les petites flammes intermittentes allumées par la charité et alimentées par la compassion.

Toi qui prends connaissance de cette livraison de notre magazine, que tu aies connu, vécu ou non ces 35 secondes meurtrières et destructrices ; ces longues journées d’horreur … ; prends un moment pour penser à la générosité, l’abnégation et au courage de ces héros qui, le 12 janvier 2010, ont, en tendant la main, redonné un sens à une vie!

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